BASQUIAT X WARHOL, À QUATRES MAINS – Fondation Louis Vuitton

La collaboration entre Basquiat et Warhol (1984-1985) représente l’intersection captivante de deux esprits artistiques bien distincts, chacun ayant apporté sa propre perspective et son style à cette entreprise commune. Le fruit de cette frénétique co-production est exposé à la fondation Louis Vuitton dans la non moins riche, voire roborative, exposition : Basquiat x Warhol, à quatre mains regroupant moult toiles co-produites mais aussi d’autres dessinées à 6 mains avec Francesco Clemente et nombres de documents : toiles, photos. Bref, un sorte de buffet à volonté de l’art new yorkais des eighties ! Copieux et flatteur au regard MAIS …

Jean-Michel Basquiat, artiste prolifique des années 1980, est connu pour son style viscéral et énergique. Ses peintures sont remplies de symboles, de textes cryptiques et de références à la culture africaine, à l’histoire de l’art, à la société urbaine et à l’anatomie ; son but étant d’utiliser le langage visuel pour explorer et dénoncer les sujets problématiques de la société américaine de l’époque (non résolus depuis) tels que la race, l’identité, la politique et l’inégalité sociale.

Andy Warhol, figure majeure du mouvement du pop art, se greffe dans l’univers de Basquiat par ce qui a fait sa gloire : la sérigraphie d’images et logos emblématiques de la société de consommation (dont Basquiat dénonçait pourtant l’injustice) et la célébrité (qui, sous ses airs rebelles et anti-sytème, fascinait Basquiat). Cette collaboration paraît donc paradoxale, en tout cas singulière, tellement l’approche détachée et ironique de l’art de Warhol semble éloignée du besoin viscéral d’expression que Basquiat laisse transparaître dans l’urgence de ses propres peintures. Leur point de rencontre serait peut être la remise en question des notions traditionnelles d’authenticité et d’originalité dans l’Art.

Lorsqu’ils ont commencé à collaborer au début des années 1980, Basquiat et Warhol ont fusionné leurs univers artistiques respectifs : on peut ainsi voir des éléments du graffiti de Basquiat, tels que des écritures, des dessins spontanés et des figures expressives, associés aux techniques de sérigraphie caractéristiques de Warhol. La fusion des esthétiques a permis de créer une nouvelle dimension dans leur art si bien que les œuvres issues de cette collaboration sont à la fois visuellement saisissantes (leur taille souvent gigantesque renforce cet effet) et conceptuellement riches (les médiateurs présents dans les salles font à ce niveau un travail pédagogique remarquable … et très utile pour valoriser la visite).

Elles capturent les préoccupations sociales, les tensions raciales et les dynamiques de pouvoir de l’époque (toujours d’actualité) et leurs styles contrastés se combinent de manière harmonieuse et souvent surprenante, mais ainsi accumulées dans les immenses salles blanches de la fondation Louis Vuitton ces œuvres paraissent à première vue un brin aguicheuses.

La présentation de cette collaboration met ainsi en lumière l’importance de l’échange artistique, de la rencontre des idées et de la fusion des styles. En effet Basquiat et Warhol se sont inspirés l’un l’autre et ont repoussé les limites de leurs propres pratiques artistiques. Mais, cette collaboration qui aurait pu déboucher sur des œuvres d’une puissance créative inédite et révolutionnaire de la part d’esprits artistiques aussi uniques et fertiles, révèle au fil du parcours un paradoxal affadissement mutuel de leur production et une perte d’impact tant on est submergé de symboles, dont la plupart ont aujourd’hui envahi l’imaginaire collectif non sans avoir été démultipliés et pervertis jusqu’à être vidés de leur sens premier.

Bien sûr, certaines pièces sont d’une force saisissante mais si l’exposition Basquiat de 2018 faisait l’effet d’un coup de poing celle ci provoque rapidement un sentiment de saturation, plus proche de la crise de foie que de l’uppercut.

Au fil du parcours se développe rapidement l’impression que les deux compères ont un peu voulu prendre le spectateur/collectionneur pour un gogo. L’effet de masse de l’accrochage (on voit toujours beaucoup -trop- de choses chez Vuitton, aussi bling bling et m’as tu vu dans ses accrochages que dans ses sacs à main logotés) amplifie aussi cette impression que la sérigraphie de Warhol envahit tout et endigue la force expressive de Basquiat. Difficile de ne pas penser que celui ci, sentant l’appât du gain et de la célébrité, n’hésita pas non plus à s’auto-plagier pour tenir le rythme frénétique de production.

Cette union artistique continue malgré tout de captiver les visiteurs à en juger par le large public et sa diversité (dont on ne peut que se réjouir). Témoignage rassurant de la manière dont le dialogue et l’interaction entre des artistes iconiques peut remplir des salles d’exposition aussi vastes que la Fondation Louis Vuitton, rare lieu capable de rassembler de tels trésors. Comme un clin d’oeil à la sérigraphie et à la production de masse et pour surfer comme nos deux héros du jour sur les tendances actuelles, cet article a en partie été rédigé par une intelligence artificielle … l’avez vous ressenti à la lecture ?

Basquiat x Warhol, à quatre mains
fondation Louis Vuitton
jusqu’au 25 août 2023
crédit photos : coll particulière du Vicomte

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