Bye bye Benji

XVMfe14e000-cc5d-11e5-b040-c7802248bb8d
Tambours et trompettes avaient annoncé l’arrivée au poste de directeur de la danse de l’Opéra de Paris de celui que les médias présentaient comme le digne représentant d’une nouvelle vague brillante,  comme le précise encore récemment cette journaliste BFMTV qui concourt je pense pour le prix Pulitzer : danseur étoile « de renommée internationale » au Newyork City Ballet, chorégraphe accompli et à la carrière « fulgurante », directeur de compagnie, amoureux de la belle Natalie Portman, charismatique, sexy … bref toute la presse y compris celle qui jusqu’alors avait toujours associé « TUTU » au bruit du klaxon de la petite voiture de Oui Oui avait deversé des flots d’encens de myrrhe et de baume du tigre sur le dit Benji (Benjamin pour les intimes)

Mais donne t’on la direction d’une prestigieuse compagnie à la tradition éminemment classique (peut être pas la meilleure du monde comme on a pu le lire depuis mais quand même plutôt bien placée sur le podium!) à quelqu’un qui n’ a pas cette culture ? qui ne connait rien des rouages de cette maison ? et là tout le monde croit que je suis possédé par l’esprit vengeur de Brigitte Lefevre, ancienne directrice autoritaire, passéiste, élitiste, corporatiste, protectionniste bref rétrograde pour beaucoup
Benji est arrivé comme un enfant gâté à qui on offrait sur un plateau d’argent non pas la tete de Brigitte Lefevre (mais pas loin) mais une compagnie de plus de 150 danseurs ; il a de suite rué dans les brancards de cette maison « poussiéreuse » prétextant un asthme allergique et voulant imposer, à grand renfort de déclarations dans la presse » de tout refondre dans une campagne anti-acarien drastique. Son intérêt pour les danseurs a eu du bon avec des aménagements pour améliorer la prise en charge du corps malmené des membres de la troupe : les fameux planchers sont changés, la prise en charge médicale semble renforcée en délocalisant le kiné qui massait à l huile d’argan les pieds de l’ancienne directrice en lui répétant dans des vapeurs d’eucalyptus « oui Brigitte tu es la plus belle » pour lui faire masser les mollets endurcis des ombres de la Bayadère … mais il s’est de suite heurté à la notion de hiérarchie totalement obsolète aux yeux de ce geek fraichement débarqué de NY … on se demande à ce stade de l’aventure comment il découvrait ça alors qu’il suffit d’ouvrir le programme de la saison pour voir que tous les danseurs sont classés non pas par taille ou potentiel reproducteur comme au salon de l’agriculture mais par grades dont la cohorte ne cesse de décroitre jusqu’à l’élite : les Etoiles.
Voila donc notre enfant capricieux (pardon « révolutionnaire » pour la presse gauchiste en mal d’icone meneuse de combat pour la lutte des classes) voulant supprimer le concours de promotion et distribuant à tour de bras dans des rôles d’Etoile une nouvelle génération plus ou moins prête à les affronter. À grand coup de tweet, car notre invertébré multipedestre est plus souvent pendu à sa tablette qu’à son bureau de directeur, les buzz se multiplient sur la compagnie semblant donner une image dynamique et djeuns … pendant ce temps les Etoiles s’étiolent et dansent de moins en moins, une rumeur de favoritisme monte dans les rangs jusqu’au scandale durant la série de représentations de la Bayadère en fin d’année 2015 où dans un article et dans un documentaire le directeur met en doute le niveau de sa compagnie dans l’univers classique et le professionnalisme de certaines étoiles (qui depuis n’ont pas tardé de riposter dans des articles assez cash!) Pour moi le sommet de l’aberration reste l’absence de nomination François Alu sur sa prise de rôle de Solor … qui m’est restée en travers du gosier …autant que sa spectaculaire prestation restera gravée dans ma mémoire
Le directeur déjà debordé veut être chorégraphe : il distille quelques créations personnelles dans le programme de la saison : elle sont à peine dansées qu’on sait qu’elles tomberont dans l’oubli quoiqu’en dise la presse qui survend chacune de ces soirées, relaye les tweets et statuts FB pour faire croire qu’il se passe quelque chose … il faut bien l’avouer à l’heure actuelle Benji n’est pas un chorégraphe novateur ; il repète inlassablement ce qu’ont fait ses maitres spirituels : Robbins, Balanchine avant lui … et tout ce que j’ai vu de lui m’a profondément ennuyé
Enfin j’avais des doutes sur la construction de sa saison justifiée comme une volonté d’ouverture de la compagnie à la danse contemporaine … vaste enfumage là encore car depuis des années la compagnie a à son répertoire des oeuvres des plus grands chorégraphes contemporains et pas que des américains ; les fréquentations semblent confirmer que les soirées de ballet ne sont pas la came du spectateur de l’Opéra ; sa saison trop américaine semble déjà à mi chemin faire un flop, ses propos sur les productions classiques de l ère Noureev ont un fond de vrai mais laisse penser qu’il veut tout mettre aux oubliettes alors que le ballet de l’Opéra de Paris contrairement au NCB a une culture foncièrement classique et doit défendre ce patrimoine. Une maison qui a plus de 400 ans de tradition derrière elle ne peut être démantelée en 6 mois par un blanc bec revenu des States !! non mais !!
Cela ne veut pas dire transformer la maison en musée de la poupée russe et fermer toute les portes au contemporain (et il n’en a jamais été question, le ballet de l’OPÉRA n’est pas poussiéreux ni ne sent la naphtaline, ce sont bien des danseurs d’aujourd’hui) : mais cette compagnie a une école, de haut niveau, qui prepare à un style de danse, il parait aberrant que le directeur sous pretexte de vouloir tout réformer oriente la programmation vers un répertoire qui n’est pas celui pour lequel la compagnie est faite … ça serait un peu comme si un coach farfelu voulait faire courir un 110M HAIES à David Douillet !!
Son orientation artistique me laissait perplexe, ses talents de chorégraphes encore plus, le battage médiatique autour de chacun de ses mouvements m’agaçait au plus haut point, la création de la 3EME SCENE sur le site de l’Opéra me faisait m’étouffer à chaque nouvelle publication quant au budget dépensé en période de restriction du budget de la culture pour ces masturbations cérébrales pseudo esthétiques et censées attirer un « nouveau public » …  certains diront que les soirées de gala organisées en sa présence et celle de sa compagne ont permis de lever des fonds comme jamais … certes c’est une bonne chose mais n’est ce pas donner le pouvoir aux marchands du temple que de choisir un directeur uniquement sur la base du fait qu’il est bankable et fait cracher au bassinet des mécènes plus soucieux de voir Mme Portman 1000feet en robe de soirée que de défendre l’art qu’ils financent … l’argent n’a pas d’odeur penseront certains .. pour moi c’est une mauvaise philosophie de mécénat
bref, il part en quittant la conférence de presse avant même que l’on puisse lui poser des questions,  il sera surement plus heureux avec sa compagnie californienne … et moi plus heureux qu’il parte !
sans rancune 😉
Crédit photo : François Guillot / AFP in Le Figaro

4 commentaires

  1. ildanse dit :

    Vous y allez un peu fort, mais je dois admettre que c’est assez drôle ! Bienvenue et hâte de lire vos prochains articles !

    J’aime

  2. je serai ravi de vous voir au fil du temps vous familiariser avec une certaine causticité intimement liée à mon humour ; y aller un peu fort fait partie du jeu
    A demain pour le brunch du dimanche 🙂

    Aimé par 1 personne

  3. Pascal Pok dit :

    C’est caustique. Effectivement M.Millepied donne l’impression d’un enfant gâté et lassé de son jouet. Or, la direction d’un tel ballet nécessite des qualités de persévérance, de patience et de respect que l’impétrant ne possédaient pas à l’évidence. Je pointerai du doigt celles et ceux qui ont été aveuglés par ce qui brille comme l’ancienne ministre de la culture et ses proches. Cet épisode illustre la nécessité de revoir la sélection et le choix des grands administrateurs (quelle que soit l’institution) et de faire la part aux conseils (de direction) déjà en place.

    J’aime

Laisser un commentaire